Comment est né Sonal?
"J'ai eu l'idée de Sonal un peu par hasard, au printemps 2009. J'avais utilisé un logiciel d'indexation thématique payant dans le cadre d'une enquête sociologique et je l'avais trouvé à la fois cher et peu pratique. Comme le développement d'outils informatiques, tout particulièrement pour la sociologie, est un passe-temps, je me suis mis en tête de développer mon propre outil d'analyse qualitative, une sorte de clone gratuit de celui que j'avais utilisé, en y apportant des améliorations d'ordre ergonomique.
J'ai commencé à jeter les bases d'un système d'indexation thématique fonctionnant à l'aide de balises. Sur le papier, tout était prêt, mais je n'avais que peu de temps à consacrer à ce projet puisque, durant cette période, je retranscrivais beaucoup d'entretiens pour une autre enquête, tâche ingrate s'il en est. Je passais mes journées à faire play/stop dans mon lecteur media et alt tab pour retourner dans mon traitement de texte. Je me suis alors dit que je devrais plutôt faire un logiciel pour faciliter les retranscriptions, et pourquoi pas un logiciel de retranscription qui permette l'indexation thématique des entretiens : en gros, un logiciel comme Sonal.
L'idée s'est précisée assez rapidement d'utiliser un système de "surlignage" des spectres audios pour délimiter des zones à retranscrire. J'ai pour autre passion la musique, et les logiciels de musique proposent systématiquement une représentation graphique du spectre sonore pour permettre de sélectionner des zones à copier, coller etc. Je dois donc avouer que Sonal s'inspire fortement des logiciels musicaux que j'ai pu utiliser. Par exemple, dans une certaine mesure, la représentation du corpus s'apparente à un multipiste comme on en trouve dans tous les outils de M.A.O.
Cette idée de base étant jetée, il a fallu par la suite un long travail pour la rendre opératoire, de nombreux week-ends consacrés presque exclusivement à refondre encore et encore les interfaces pour que le logiciel soit souple et intuitif. Après un an de développement, il commence à se stabiliser et je suis assez satisfait de l'ergonomie générale de l'outil, même s'il reste à bien des égards perfectible."
Pourquoi Sonal?
"Au moment de baptiser mon logiciel, j'ai longtemps hésité. Le projet était initialement baptisé audio-stabilo, parce que c'est le nom le plus explicite pour ce que fait Sonal. Malheureusement, Stabilo est une marque déposée. Il fallait trouver autre chose. J'ai tenté toutes les combinaisons entre "audio" ou "son" et "quali" sans rien trouver de bien enthousiasmant (oui il y a calisson c'est une pâtisserie provencale:) .
Je ne sais plus d'où est venu Sonal. Je me souviens seulement que le nom m'a plu pour deux raisons : d'abord parce que Sonal évoque le son - c'est déjà ça - ensuite parce que "sonal" est la version bien française du mot "jingle" et que j’ai découvert ce mot au dos d’un CD des archives du GRM : de la musique concrète qu'écoutait mon père. On peut voir dans le choix de ce mot une forme d'hommage à sa mémoire et à ses goûts musicaux très très spéciaux.
Le choix étant fait, il restait ensuite à « habiller » l'acronyme, phase amusante qu'ont connue bien des inventeurs de logiciels - ou des fondateurs de laboratoire! Sonal veut donc dire "Sélection, Organisation, Navigation par l'Audition et la Lecture" ce qui n'est finalement pas si éloigné de la réalité... "
La démarche
"Le développement d’un logiciel est généralement une activité très solitaire. Au moins au début. J’ai programmé cet outil dans le cadre de mes recherches et c’est d’abord à mes propres besoins qu’il répondait. Cependant, ça n’aurait absolument aucun sens de passer autant de temps à peaufiner une application pour son seul usage ; d’autant que son organisation est spécifiquement pensée pour répondre aux besoins de gens qui, comme moi, ont pu perdre beaucoup de temps à retranscrire leurs entretiens. C’est donc tout naturel de partager le fruit de mon travail. Sans tartufferie aucune, je trouve un réel plaisir dans le fait de réaliser des interfaces simples et efficaces, en me disant que certaines fonctions vont réellement rendre service aux gens, comme elles ont pu me rendre service. Pour moi, fabriquer un outil gratuit pour ses pairs, c'est une forme d'altruisme. Un altuisme un peu particulier, distant, désincarné, mais un altruisme tout de même, et c'est déjà ça. Ayant dit ça, il est trop tard pour espérer vendre Sonal ! "
La gratuité
"La question de la gratuité a pu se poser mais j’ai assez vite décidé de le donner. J’aurais eu des scrupules à le vendre, et ce pour plusieurs raisons:
La première est que Sonal s’adresse prioritairement aux étudiants; ceux qui, dans l'économie de la recherche, ne peuvent pas sous-traiter les retranscriptions. Comme il se trouve que ce sont souvent les plus fauchés, notamment en sciences humaines, il me semble normal qu'ils puissent en profiter. -
La seconde est que j'ai moi-même utilisé beaucoup de logiciels gratuits (que leur fabriquant soit consentant ou non:) et beaucoup de codes sources distribués gratuitement par leurs auteurs. Je crois que sur internet, il faut prendre le parti de l'économie de la gratuité, d'abord car il est techniquement très compliqué d'aller contre, ensuite car la propagation par bouche à oreille fonctionne beaucoup mieux avec un outil gratuit, et je souhaite naturellement que Sonal puisse toucher un large public.
Une troisième raison est que Sonal est un outil en construction permanente qui bénéficie des suggestions formulées par les utilisateurs. Cette intelligence collective ne saurait être vendue à mon seul profit et la stabilité du logiciel est trop relative à ce stade pour m'absoudre du sentiment d'être un escroc en faisant payer mes bugs (au kilo).
Enfin, la dernière raison est que le développement de Sonal ne m'a rien coûté ou presque, hormis du temps, et comme j'y trouve un réel plaisir, je ne me sens pas lésé..."
Libre ou pas libre?
"Pour être cohérent avec ma démarche, je devrais également mettre les codes sources de Sonal en ligne. Je pense le faire à terme, quand j'aurai un peu nettoyé et commenté mes codes. Sonal ne pourra qu'y gagner. Mais j'attends que l'outil, son nom, soient bien installés dans le paysage scientifique pour éviter qu'en récupérant mes sources, une entreprise dotée d'une plus grande force de frappe commerciale n'impose entre temps un autre outil inspiré de Sonal, ce qui ne manquera pas d'arriver, car je crois que l'idée est bonne. Je veux donc prendre un peu d'avance et à court terme, la rétention des sources est un petit avantage..."
L’Equipe
"Peu de temps après la mise en ligne du logiciel, j’ai été contacté par Xavier Le Nué, qui m’a fait des retours très pertinents sur l’application et m’a proposé de mettre ses compétences au service du projet Sonal. C’est d’abord par mails que j’ai constaté son sérieux, sa créativité, et son abord très sympathique. Je ne l’ai rencontré que quelques mois plus tard, et je n’ai pas été déçu. C’est lui qui a conçu ce site pour Sonal, ce dont je lui suis très reconnaissant, et il fait un super travail pour rendre Sonal visible sur internet. C'est peut-être lui qui vous a amené ici d'ailleurs...
Par ailleurs, j'ai quelques scrupules à l'associer de force à ce projet, mais de facto, par les apports énormes que constituent certains algorithmes très complexes qu'il a bien voulu me laisser transférer de Trideux à Sonal, je peux dire que Philippe Cibois, Professeur émérite à l'Université de Versailles St-Quentin en Yvelines, fait partie de l'aventure et que sa contribution est absolument fondamentale. "
Alex ALBER